Mektoub my love – Canto due : quand le destin a décidé d’être paresseux

Abdellatif Kechiche est un homme sulfureux, ce qui fait d’une certaine manière sa légende. Homme apprécié par certains, honni par d’autres, il a davantage fait parler de lui en mal plutôt qu’en bien. Certes, ce n’est pas le Diable en personne mais suffisamment pour qu’il polarise durablement. 

C’est avec une certaine surprise que sort son dernier film. Sept ans après Mektoub my love – Canto Uno, nous sommes de retour à Sète dans l’Hérault, toujours en 1994. Nous sommes en septembre. Amin revient dans le Languedoc visiter sa famille et ses amis. Il vit à Paris où il a abandonné ses études de médecine pour se concentrer sur sa passion, à savoir la photo et le cinéma. Entre temps, il a écrit un scénario de science-fiction qu’il aimerait bien réaliser un jour. C’est alors que la chance lui sourit. Un couple d’Américains, en passage, s’intéresse à son projet. Lui, André, est producteur et sa femme, Jessica, héroïne d’un soap opera. Tout semble s’aligner mais le mektoub, le destin en arabe, n’a pas dit son dernier mot. 

La suite du premier volet de Mektoub my love a été chaotique, et c’est un euphémisme de le dire. En 2019, Mektoub my love – Intermezzo avait projeté à Cannes et le film avait fait énormément parler de lui moins pour la performance artistique mais bien plus pour le parfum de scandale qui s’en était dégagé. L’objet ? Une œuvre très longue – 3h28 ! – qui se déroulait quasi-intégralement dans une boîte de nuit et surtout une scène de sexe oral non simulée de quinze minutes qui a poussé nombre de spectateurs à quitter la salle. Un énorme scandale qui a fait que cette suite intermédiaire n’est jamais sortie et qu’on ne la verra probablement jamais. 

Aussi, je dois vous avouer que j’ai été surpris de voir la sortie de Canto Due, d’autant que le Canto Uno m’avait peu marqué. Si niveau gros plan sur les fesses, les seins, les hanches et autres scènes un peu olé-olé, Kechiche s’est (un peu) calmé, l’esprit du film et surtout son rythme demeure. Amin reste au centre de l’histoire, cet homme un peu timide, en retrait qui ose à peine déranger et qui fait face à ses contradictions sur le plan amoureux. Ophélie (par qui le scandale est arrivé dans Intermezzo) ne lui laisse toujours pas indifférente, mais d’autres filles lui tournent autour. Ophélie elle-même ne sait pas tellement où elle va, elle qui doit se marier avec Clément un militaire de carrière mais qui est… enceinte d’un autre. Cet autre, lui ne s’agit ni plus ni moins de Tony, le cousin d’Amin. Tony, qui en dragueur qui se respecte, en profite pour flirter avec Jessica, la femme d’André. André qui négocie avec Amin le droit de produire son script.

En clair, on assiste là à un vaudeville somme tout classique qui se distingue et surtout traine pas mal en longueur. Non pas qu’on s’ennuie mais on se demande tout simplement si ce Canto Due en valait la peine. On frise un peu la caricature, on se demande où veut aller Kechiche surtout quand arrive la conclusion. On comprend que le mektoub s’en est mêlé certes mais on se demande au final si ce mektoub n’a pas été paresseux. 

A l’instar du précédent opus, Mektoub my love – Canto Due m’a impressionné par son (relatif) ennui, faisant qu’on reste toujours autant interrogatif à la sortie du film. Limite on se demande si on n’a pas perdu son temps. On ne peut pas s’empêcher surtout de comparer à La Vie d’Adèle, Chapitres 1 et 2 qui en dépit de ses trois heures (oui, trois heures !) avait pourtant réussi à dégager un certain rythme et surtout montrer avec force et fragilité une héroïne principale qui passait de l’adolescence à l’âge adulte en s’assumant. 

En clair, dommage !

Mektoub my love – Canto Due

Un film de : Abdellatif Kechiche

Avec : Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Jessica Pennington, Salim Kechiouche, André Jacobs, Hafsia Herzi…

Pays : France

Genre : Romance, Drame

Durée : 2h14

Sortie : le 3 décembre

Note : 8/20

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