En tant que Parisien et plus largement Francilien, je mesure la chance d’habiter et de travailler dans une région riche en œuvre architecturales diverses et variées. Une richesse sans commune mesure qu’on voit tous les jours mais qu’on méconnait parfois. La Grande Arche du quartier d’affaires de la Défense entre précisément dans ce cas.
Ce monument emblématique, symbole d’une France mitterrandienne qui voulait s’inscrire dans la modernité est le sujet du nouveau long-métrage de Stéphane Demoustier. Tout commence en 1983. François Mitterrand, alors président de la République, lance un concours international afin de doter La Défense d’une œuvre situant sur l’axe historique allant de la Seine au Louvre. A la surprise générale, c’est un Danois, Otto Van Spreckelsen qui rafle la mise avec son projet de Cube. L’homme de 53 ans qui n’a construit, selon ses propres dires que sa « maison et quatre églises », se trouve à la tête de projet particulièrement ambitieux. Otto entend bâtir son Cube comme il l’entend. C’est oublier que face à lui, le réel, les rouages de l’administration française mais surtout le cynisme de la classe politique lui mèneront la vie dure au point d’avoir raison de lui.
Quand j’étais gamin, mon père prenait souvent l’avenue Charles de Gaulle à Neuilly sur Seine pour se rendre à Nanterre et voir son frère, l’autoroute A86 n’étant pas bouclée à cette époque. La Défense et son Arche était le passage obligé de notre trajet et nous étions littéralement happés par ce monument qui m’impressionnait par sa taille. C’est sans doute que voulait Otto Van Spreckelsen voulait lorsqu’il a imaginé ce qu’il appelait le Cube dans son atelier. Un ensemble harmonieux, symbole de paix et d’invitation au monde, au cœur d’un quartier en pleine mutation.
Aussi lorsqu’il remporte le concours en 1983, c’est l’étonnement total. Personne ne le connaît, c’est un homme plutôt discret mais surtout idéaliste. Construire le Cube, c’est moins pour se faire un nom, c’est surtout défendre une idée, une inspiration. C’est un idéal qu’il veut bâtir (au sens propre comme figuré) et la perspective du bicentenaire de la Révolution française lui donne cette belle opportunité.
C’est toutefois sans compter sur les intérêts des uns et le cynisme des autres notamment du milieu politique mais également architectural. Si François Mitterrand se montre plutôt respectueux vis-à-vis de Van Spreckelsen, on ne peut pas dire autant de ses conseillers qui, par flatterie voire zèle envers le président, n’hésitent pas à savonner la planche à l’architecte danois, à l’instar du bien nommé Zébulon, incarné par un étonnant Xavier Dolan. Outre le monde politique et ses messes basses, Van Spreckelsen doit se battre avec l’administration qui ne cesse de raboter ses crédits et donc limitent sa marge de manœuvre. Étranger à ce qu’il considère comme des magouilles, Otto se montre progressivement méfiant puis suspicieux, estimant qu’on est en train de le déposséder de son Cube, « l’œuvre de [sa] vie ».
Tourné tel un thriller, L’inconnu de la Grande Arche rend hommage à un architecte idéaliste, un peu naïf qui voulait avant tout mettre sur pied un concept estimant qu’il aurait carte blanche. Un homme peu rompu aux méandres de notre administration et des messes basses politiques, ce qui l’affectera grandement. Ce long-métrage permet enfin de mettre un nom derrière celui qui a réalisé ce monument emblématique de La Défense, un monument que je regarderai différemment à l’avenir.
L’inconnu de la Grande Arche
Un film de : Stéphane Demoustier
Avec : Claes Bang, Sidse Babett Knudsen, Xavier Dolan, Swann Arlaud, Michel Fau…
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h47
Sortie : le 5 novembre
Note : 16/20




