L’étranger : Meursault, l’insaisissable

Albert Camus est un monument de notre littérature. Un homme au texte vif, engagé, parfois dérangeant et dont on sait aussi qu’il était un amoureux de l’Algérie, son pays natal. Un homme qui, s’il a eu une vie finalement assez courte – il meurt au tout début de 1960 dans un accident de voiture en Bourgogne – aura marqué de son empreinte notre imaginaire, un imaginaire encore pertinent aujourd’hui.

Aussi lorsque François Ozon s’attaque à son œuvre culte, L’Étranger, autant dire que le pari était particulièrement audacieux. Comment raconter cette histoire, assez singulière, sans faire un copié-collé ? 

La réponse, je vais vous la donner, mais tout d’abord le synopsis. Nous sommes en 1938, dans ce qu’on appelait l’Algérie française. A Alger, Meursault, un modeste employé de bureau d’une trentaine d’années, apprend le décès de sa mère. Il part l’enterrer sans la moindre émotion. Le lendemain, il se rend aux Bains où il rencontre Marie, une connaissance. Ils entament rapidement une relation. La vie reprend son cours. C’est alors que Sintès, son voisin, lui demande un service. Meursault accepte, malgré le côté louche de la requête. Il ne se doute pas que son aide mènera un drame pour lequel il sera jugé et risquera gros. 

Comme je l’indiquais précédemment, adapter un roman majeur de la littérature française sans en trahir l’esprit tout en y ajoutant une touche personnelle est un défi en soi. Il faut dire que sur ce plan, François Ozon a été plutôt convaincant notamment dans le choix du tournage. Exit la couleur, le film est intégralement tourné en noir et blanc, ce qui donne un côté singulier à l’histoire, renforçant son côté dramatique.

Ce côté dramatique, on le trouve également chez Meursault, un homme énigmatique, insaisissable même. On le sent disant, à l’écart de tout comme s’il n’est pas acteur mais simple spectateur de sa propre existence. On est effaré par son absence d’émotion, voire d’empathie. Non pas qu’il soit un sociopathe mais il est comme cela Meursault. Il n’est pas dans le moule, dans ce que la société veut de lui, ce qui peut nous paraître déroutant.

C’est d’autant plus effarant quand le spectateur que nous sommes voit le personnage principal complètement à côté de la plaque. Il est jugé, il est accusé d’avoir tué un homme, mais on sent qu’il est complètement absent de cela. Meursault est-il un lâche ? Est-il inconscient ? Cynique ? En tout cas, il ne cesse de brouiller les pistes afin qu’on ne puisse pas avoir d’avis définitif sur lui. Ce qui, paradoxalement, rend l’homme encore plus intéressant. 

Malgré quelques lourdeurs au démarrage (une bonne vingtaine de minutes en clair), L’Étranger de François Ozon se défend plus que bien, porté par la prestation de Benjamin Voisin mais également celle de Rebecca Marder, à la fois fragile, forte et sensuelle. 

L’étranger

Un film de : François Ozon

Avec : Benjamin Voisin, Rebecca Marder, Pierre Lottin, Denis Lavant, Swann Arlaud, Christophe Malavoy, Nicolas Vaude, Jean-Charles Clichet…

Pays : France

Genre : Drame

Durée : 2h03

Sortie : le 29 octobre

Note : 14/20

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