Hafsia Herzi est une cinéaste qui s’affirme progressivement. Il y a quelques années, en 2021, elle avait réalisé Bonne mère, son second long-métrage, un film que j’avais trouvé convaincant et assez intime, rendant aussi hommage à Marseille, sa ville, à travers Nora, cette mère de famille qui, malgré les difficultés, ne se plaint jamais et tente de demeurer un roc.
Changement de cadre avec La Petite dernière. Nous sommes en banlieue. Fatima a 17 ans. Bonne élève, un peu garçon manqué, elle fait la fierté de sa mère et de ses sœurs, même si la chamaillerie n’est jamais loin. Tout juste bachelière, elle poursuit naturellement ses études à l’université en intégrant une fac de philo. Musulmane pratiquante, elle s’interroge cependant sur sa sexualité. Elle se sent bien plus attirée par les femmes que par les hommes. Comment assumer ce fait dans ces circonstances ? La question est d’autant plus forte que Fatima fait la rencontre de Ji-na, également lesbienne. Loyale envers ses origines et sa foi mais désireuse de s’exprimer, Fatima est à la croisée des chemins.
Fatima a tout de la fille « modèle ». Elle est discrète, travaille bien à l’école et elle est particulièrement choyée par sa dernière, la mazoziya (petite dernière en arabe) quoi. Dans sa famille, on est fier des racines algériennes, on pratique la religion sans pour autant exercer une pression quelconque. Cependant, comment concilier cela quand dans le même temps, on se rend compte qu’on a une attirance pour le sexe similaire ?
Pour Fatima, c’est l’ultime tabou. Non pas qu’elle réprouve le lesbianisme mais en tant que musulmane, c’est difficilement concevable et même convenable, d’autant qu’elle « sort » avec un garçon. Pour s’en convaincre, elle se rend à la Mosquée de Paris et demande conseil à un imam, comme si elle voulait son approbation, alors qu’elle sait très bien quelle réponse il va lui donner. La religion fait partie de son identité et ne va pas contre son identité, c’est une façon pour elle de se « protéger ».
Toutefois, peut-on vraiment aller contre ce qu’on est au final ? Si s’assumer c’est trouver la voie de son émancipation et de non de la trahison ? La question est d’autant plus prégnante lorsque Fatima rencontre Ji-Na, d’origine coréenne et qui, comme elle, doit trouver sa place. Elle est clairement amoureuse (du moins, les sentiments sont là) mais Fatima se retient. Comme si, exprimer ce qu’elle ressent, c’est trahir ses origines, sa foi, ce qu’elle est également. Et si, c’était plus complexe que cela ?
Adapté du roman éponyme de Fatima Daas, La Petite dernière expose assez clairement les hésitations d’une jeune femme lesbienne et musulmane qui s’imagine être un imposteur alors qu’en réalité, elle doit tout simplement trouver sa voie. Un film touchant, porté par Nadia Melliti qui a reçu le Prix d’interprétation féminine lors du dernier Festival de Cannes. Une sacrée performance pour quelqu’un qui n’avait jamais tourné auparavant et qui en appellera très probablement d’autres.
La Petite dernière
Un film de : Hafsia Herzi
Avec : Nadia Melliti, Ji-Min Park, Amina Ben Mohamed, Méllissa Guers, Rita Benmannana…
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h48
Sortie : le 22 octobre
Note : 14/20




