Quand j’étais gamin, les films adaptés des romans de Stephen King me terrifiaient. Il y en avait notamment un qui me foutait la frousse, rien qu’à la bande annonce, c’était Il et son fameux clown qui était tout sauf gentil et bienveillant envers les enfants. Vu sa tronche, c’était le cauchemar assuré. Depuis je m’interdisais à voir les longs-métrages en question. Pire, l’âge et la maturité ont fait que cette peur s’est dissipée, ce qui m’a permis de découvrir l’œuvre de King et surtout les messages qu’il cherche à véhiculer, notamment son regard acerbe et sans concession sur l’Amérique.
Marche ou crève n’échappe pas à la règle. Nous sommes dans un futur proche. Près de vingt ans après une guerre civile qui a ravagé les Etats-Unis, le pays est plongé dans un régime totalitaire. Celui qu’on appelle « Le Colonel » fait partie des dignitaires. Chaque année, un événement « La longue marche » est organisée à travers l’Amérique. Elle invite tous les jeunes hommes à participer au redressement de l’Amérique, mettant en avant la discipline et l’effort ainsi que le sens du sacrifice. Ray Garraty décide d’y prendre part er rejoint la cinquantaine d’adolescents présents sur la ligne de départ. Cependant, cette course qui peut sembler bon enfant est bien plus vicieuse qu’on le croit. Tous les coups sont permis car à la fin, il n’en restera qu’un.
Dans une Amérique post-démocratique, l’effort et le sacrifice pour la patrie sont particulièrement galvaudées. C’est l’essence même de la Longue Marche qui pousse, chaque année, des milliers d’adolescents à y tenter leur chance, davantage poussé par le désespoir plutôt que la promesse d’un gros gain et d’une gloire éternelle. Cette marche, en effet, n’est pas une marche comme les autres. Les participants doivent marcher à une vitesse minimale de 5 kilomètres/heure et ne doivent surtout passer sous ce seuil ou encore moins s’arrêter sous peine d’être littéralement exécutés. Aussi, ils sont condamnés à « gambader », de jour comme de nuit, à travers la campagne américaine jusqu’à qu’il n’en reste un.
Le tout sous l’œil assez vicieux du « Colonel », un homme froid et sans empathie, incarné par un impressionnant Mark Hamill. Ce « Colonel » est le symbole de cette Amérique qui a basculé vers le totalitarisme et dans laquelle, on n’hésite pas à mettre en scène cette forme de Battle royale, entre divertissement macabre et contrôle à la fois subtil comme vicieux des masses, bien occupé à être spectateurs qu’à être conscient de la situation.
C’est justement la situation en question qui pousse Ray à participer à la Longue Marche. En effet, ce dernier n’est pas un concurrent comme les autres et on le comprend assez vite au fur et à mesure de l’intrigue. Il a un compte à régler et cette Longue marche est plus que symbolique. C’est une question personnelle.
Avec certaines scènes impressionnantes, parfois à la limite du regardable mais sans tomber dans la violence et l’hémoglobine gratuite, Marche ou Crève est un réquisitoire de l’état de nature et d’une société post-démocratique éloignée de l’esprit des Lumières où le divertissement macabre et voyeuriste devient la norme. Une critique sans concession de King sur l’Amérique, ses démons et ses dérives, ce qui explique sans doute que l’écrivain soit banni des bibliothèques par Trump. Il était probablement bien plus lucide sur l’état de son pays !
Marche ou crève (The long walk)
Un film de : Francis Lawrence
Avec : Cooper Hoffman, David Jonsson, Garrett Wareing, Mark Hamill, Charlie Plummer, Roman Griffin Davis…
Pays : Etats-Unis
Genre : Epouvante-horreur, Science-Fiction, Thriller
Durée : 1h48
Sortie : le 1er octobre
Note : 13/20




