Jafar Panahi est un cinéaste qui n’a pas sa langue dans sa poche. Malgré les pressions, les intimidations ou le fait que le régime iranien ne cesse de lui mener la vie dure, il tient encore debout pour dénoncer les non-dits de son pays. Une prise de parole salutaire et pour laquelle il n’entend renoncer à rien même si parfois, il y a un prix à payer.
Malgré la pression donc, Jafar Panahi continue à mettre le doigt où cela fait mal et c’est son dernier film ne déroge pas à la règle. Nous sommes dans le désert non loin de Téhéran. Vahid, un mécanicien d’origine azérie, a été à plusieurs reprises emprisonné par les autorités iraniennes. Il fut notamment interrogé et torturé, les yeux bandés, par un des cadres du régime. Lorsqu’un dénommé Eghbal entre dans son garage, Vahid croit reconnaître son tortionnaire, grâce à un détail. Eghbal avait, en effet, une prothèse de jambe qui grinçait particulièrement. Désireux de se venger, Vahid enlève son présumé bourreau dans l’optique de l’enterrer vivant. Lorsqu’il est sur le point d’accomplir son objectif, Eghbal affirme qu’il n’est pas l’homme en question. Le doute s’installe et Vahid décide de se rendre à Téhéran pour interroger d’ancien co-détenus afin de vérifier si Eghbal est bel et bien l’homme qu’il recherche.
Le besoin de justice. C’est un sentiment que nous avons tous eu et qu’on a eu besoin d’exprimer surtout qu’on a eu sa vie brisée. C’est précisément ce que ressent Vahid. Emprisonné par le régime iranien, torturé, il a le connu le pire dans les geôles du régime des mollahs et il compte bien obtenir réparation par tous les moyens. Alors, lorsqu’il croise Eghbal, il ne réfléchit pas. C’est bien lui, ce cadre du régime qui l’a violenté, humilié et au final anéanti. Vahid veut qu’il paie et pour lui, vengeance est synonyme de justice (et inversement)
Cependant, lorsqu’Eghbal affirme qu’il n’est pas le bourreau présumé, Vahid ne peut s’empêcher de douter. Bien qu’animé par la haine, il subsiste cette part d’humanité en lui, celle qui lui permet d’être un peu plus rationnelle et de se dire : « et si cet homme dit vrai ? Et si je me trompais ? » Après tout, ne risque-t-il pas, en ôtant la vie à un homme qui clame son innocence, être au même niveau que les dignitaires du régime ?
C’est alors qu’une sorte de tribunal populaire improvisé se constitue. En allant à la rencontre de ses anciens codétenus, Vahid ne cherche pas seulement à ôter un doute, il improvise, un peu malgré lui, une justice. Les protagonistes font part de leur récit, ils se confrontent et surtout ne prennent pas de décisions hâtives ou sur le coup de l’émotion. Même s’ils veulent réparation, ils savent que la vengeance n’est jamais loin et qu’au final, ils peuvent aussi se comporter comme des bourreaux. En s’en sortiront-ils grandis surtout si Eghbal affirme ce qu’il est réellement, à savoir un homme et un père de famille sans histoire ?
Entre volonté de justice et celle de régler ses comptes, Un simple accident nous rappelle que la frontière entre les deux demeure ténue et que cela implique, en chacun de nous, de trouver la lucidité nécessaire pour faire le bon choix. Malgré quelques longueurs, le long-métrage de Panahi cible assez juste et prend même le parti de l’humour (grinçant), ce qui justifie sa Palme d’or.
Un simple accident (یک تصادف ساده)
Un film de : Jafar Panahi
Avec : Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Hadis Pakbaten…
Pays : Iran
Genre : Drame
Durée : 1h43
Sortie : le 1er octobre
Note : 14/20




