Il existe des combats qui, s’ils semblent anodins et modestes à première vue, peuvent littéralement changer le cours des choses. C’est une formule toute faite, me direz-vous mais l’Histoire a souvent montré que des femmes et des hommes ont joué, l’air de rien, un rôle décisif. Le docteur Denis Mukwege en fait partie.
Nous sommes en 2011, à Bruxelles. De passage dans la capitale belge, où il donne une conférence à la Fondation Roi Baudoin, Denis Mukwege, gynécologue kino-congolais, alerte de la guerre qui sévit dans son pays, une guerre particulièrement terrible pour les femmes. Celles-ci sont, pour nombre d’entre elles, violées, utilisées ainsi comme des butins. Le médecin prend en charge ces mères, sœurs ou bien filles qui sont meurtries dans leur chair et les recueille dans son centre médical, situé à Panzi dans le sud-Kivu. Son combat prend une nouvelle dimension lorsqu’il fait la rencontre du docteur Guy-Bernard Cadière. Ce médecin belge le rejoint en effet en République démocratique du Congo pour l’assister. Tous deux, parfois au péril de leur vie, se battent pour rendre à ces femmes brisées, leur dignité.
Le docteur Mukwege est un homme que je respecte tout particulièrement, tant son combat est non seulement noble mais surtout crucial pour la dignité humaine. Depuis quelques années, il demeure au chevet de ces femmes qui ont vécu un horrible calvaire et qui doivent trouver le peu d’énergie qui leur reste pour survivre tout simplement. Brisées, elles trouvent à Panzi les moyens de se reconstruire.
Un chemin qui n’en demeure pas moins sinueux, voire très sinueux. Exemple concret avec Busara, interprétée par Deborah Lukumuena, qui suite à un viol, se retrouve enceinte. Une double peine pour la jeune femme qui refuse – on peut le comprendre – l’enfant qu’elle porte, tant la douleur demeure vivace. C’est dans ce contexte que le docteur Mukwege devra aider ses patientes à retrouver foi en l’âme humaine et d’une certaine manière, à pardonner à leur bourreau.
Un combat mené de manière épique depuis des années mais qui n’est pas sans danger. En effet, certains au sein des autorités congolaises n’apprécient pas tellement ce combat dans lequel ils voient une mauvaise publicité pour le pays. Intimidations, harcèlement, menaces… tout y passe pour réduire le gynécologue au silence. La pression est forte mais il faudrait bien plus pour le docteur Mukwege pour tout abandonner. Sans doute, sa foi inébranlable, l’aide sans doute à maintenir sa boussole, même si le doute n’est jamais loin.
Muganga, celui qui soigne est un formidable hommage au combat d’un homme modeste mais tellement grand au niveau de l’âme. L’occasion de revoir dans un premier rôle, Issach de Bankolé, acteur ivoirien des années 1980 qui s’était fait connaître avec Black Mic Mac mais qui, faute de reconnaissance en France, a par la suite poursuivi sa carrière aux Etats-Unis. Ce long-métrage le met enfin à la place qu’il n’aurait jamais dû quitter et rien que pour cela, je dis merci à la réalisatrice. Comme je lui merci d’avoir fait ce film, mettant ainsi en lumière un combat essentiel, combat pour lequel le doctieur Mukwege recevra le Prix Sakharov en 2014, suivi du Prix Nobel de la Paix, quatre ans plus tard.
Muganga, celui qui soigne
Un film de : Marie-Hélène Roux
Avec : Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne, Manon Bresch, Babetida Sadjo, Deborah Lukumuena, Soliane Moisset…
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h45
Sortie : le 24 septembre
Note : 16/20
[BONUS] J’évoquais Black Mic Mac, le mieux c’est que vous découvriez la bande annonce de ce film culte sorti il y a presque 40 ans et dans lequel on retrouve également le regretté Jacques Villeret mais également un certain Pascal Legitimus.




