L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Moi-même je ne m’attendais pas à un tel scénario.
Mercredi dernier, le groupe Bolloré – via son chaîne Canal + – a indiqué qu’il était entré en discussions avec le groupe UGC afin de rentrer dans un premier temps dans le capital du second pour éventuellement une prise de contrôle à l’horizon 2028.
Très vite, les analystes et autres consultants se sont exprimés sur ce qu’il convient de considérer comme un événement majeur. Pour rappel, UGC – pour Union Générale Cinématographique – est un des trois principaux acteurs du milieu aussi bien dans la production de films que dans la distribution de ceux-ci sans oublier bien sûr l’exploitation de salles en France comme en Belgique dont le fameux UGC Ciné Cité Les Halles, véritable vaisseau amiral de la marque. De son côté, Canal + est le premier financeur du cinéma français mais aussi producteur majeur à travers sa filiale, Studio Canal.
Autant dire que cette nouvelle stratégie a été commentée, certains y voyant une aubaine pour le cinéma hexagonal, d’autant que ce rapprochement n’est pas si surprenant en soi. En effet, les deux compagnies collaborent déjà depuis de nombreuses années, Canal + gérant la régie publicitaire d’UGC dans les salles de cette dernière. Qui plus est, Canal + et UGC ont lancé, début 2024, une offre destinée au moins de 26 ans proposant un abonnement à la chaine cryptée et à la carte UGC Illimitée pour la somme modique de 25,94 euros par mois, une manière assez subtile d’attirer un public plus friand de YouTube et qui a donc d’autres façons de consommer du média.
Ce rapprochement et ce qu’il pourrait en découdre suscite des interrogations, voire des inquiétudes légitimes. En effet, le contrôle probable d’UGC par Canal pourrait pousser son propriétaire, à se servir de la puissance de frappe de la société cinématographique pour servir ses propres intérêts notamment politiques. Cette supposition, bien que tirée par les cheveux, n’est pas si absurde en soi quand on voit ce que devient CNews, véritable chaîne d’opinion en lieu et place d’une chaîne d’information. Autrement dit, pour d’autres, une « Bollorisation » des esprits est à craindre et elle ne serait que plus renforcée si le milliardaire breton avait la main sur UGC, son catalogue de films et ses salles.
Le cinéphile que je suis ne sait pas trop quoi y penser pour être honnête. En effet, si je me méfie de Vincent Bolloré comme de la peste et que je prends soin de m’écarter au possible de sa chaîne de propagande qu’est CNews, j’ai la faiblesse (ou la naïveté, c’est selon le côté où on se place) de penser qu’il aura une autre approche avec UGC, plus pragmatique et terre-à-terre celle-là. Il faut d’abord indiquer que les deux sociétés ont tout intérêt à ce rapprochement renforcé comme l’a indiqué Maxime Saada, le président-directeur général de Canal + à Télérama. Dans un contexte marqué par la concurrence de plus en plus marquée des plateformes de streaming comme des « nouveaux media » notamment YouTube, ou encore Instagram, la confiance du premier financeur de notre cinéma ne peut être que bienvenue et bénéfique pour l’avenir. Qui plus est, ce rachat à venir ne pourrait que redonner un boost pour le marché français, un boost qui lui manquait cruellement.
Reste à savoir si UGC, sous pavillon Canal +, conservera une marge de manœuvre conséquente notamment dans l’exploitation des salles ou encore la distribution des films. Sur ce point, certains comme Alain Le Diberder, estiment que la donne à venir ne devrait pas changer grand-chose, Canal + produisant, en grande partie, les films qu’UGC exploite dans son réseau. En clair, une Bollorisation n’est pas forcément inéluctable, même si évidemment nul ne peut prédire l’avenir.
En clair, c’est plutôt le financement et le modèle économique de notre cinéma qui pourrait changer à compter de 2028, si Canal + allait jusqu’au bout de sa logique. La question est d’autant plus pertinente que le groupe Bolloré pourrait être tenté, à l’avenir, de racheter d’autres exploitants majeurs comme les CGR (Circuit Georges Raymond) voire Pathé, même si on est davantage dans la politique-fiction. Reste à savoir ce que l’autorité de la concurrence pensera de tout cela. C’est clair, on est loin d’avoir tout vu !



