Alpha : la famille, le virus, la rumeur et le soupçon

J’aime bien Julia Ducournau. Disons que j’aime bien son cinéma assez spécial, parfois anxiogène mais qui évoque des sujets assez profonds et avec une lucidité certaine. Ce genre de cinéma qui n’hésite pas à casser les codes, quitte à prendre des risques. Des risques parfois payants, en témoigne la Palme d’Or remportée par la réalisatrice pour Titane, il y a quatre ans. 

Cette année, elle avait également pris des risques en présentant à Cannes son dernier long-métrage. Nous sommes au Havre dans les années 1980. Alpha, 13 ans, vit seule avec sa mère, médecin. Cette dernière travaille dans un service où sont regroupés des patients atteint d’un virus. De son côté, Alpha mène une existence plutôt discrète, ayan peu d’amis au collège. Cet équilibre est subitement remis en question lorsqu’Alpha revient chez elle avec un tatouage sur le bras. Sa mère, craignant qu’elle ait été contaminée par une aiguille usagée, s’inquiète. Très vite, la rumeur enfle d’autant que son tatouage ne cicatrise pas. Alpha est isolée, craint par ses camarades qui l’évitent comme de la peste. C’est dans ce contexte qu’elle refait connaissance avec Amine. Amine, c’est son oncle, toxicomane, qu’elle n’a plus vu depuis des années et qui est hébergé chez sa sœur, sa santé se dégradant. 

Un simple tatouage. Un simple tatouage qui prend des proportions inquiétantes. Il faut se rappeler que nous sommes dans les années 1980 à une époque où le SIDA était perçue comme la novelle peste. On en avait tout simplement peur, d’autant qu’on pensait que cela était facilement et extrêmement contagieux. Si la maladie n’est pas explicitement mentionnée, certains détails nous font clairement référence au VIH et la parano qui faisait légion à son sujet. 

Alpha n’est pas épargnée par la rumeur d’autant que sa mère travaille dans une unité spécialisée. La maladie, la mort, elle connaît et cette atmosphère n’arrange rien. Alors lorsqu’Alpha rentre chez elle, avec un tatouage étrange sur son bras, sa mère prend peur. Même si elle ne pense pas que sa fille ait attrapée le virus, elle s’inquiète tout de même, au point de virer parano. 

Elle est d’autant plus inquiète qu’elle connaît bien les ravages de cette maladie et notamment sur son frère. Toxicomane depuis des années, Amine n’est plus que l’ombre de lui-même et sait qu’il est à l’article de la mort, du moins il est très lucide sur son état. Les relations entre Amine et sa sœur sont très complexes pour ne pas dire conflictuelles par moment, notamment quand on fait référence au passé et à un événement qui a marqué l’ainée. Malgré tout, la famille demeure un point essentiel que la maladie d’Amine renforce même. C’est même une sorte de refuge, contre vents et marées, notamment lorsqu’Alpha ne cesse d’être rejetée par les autres, à cause de la rumeur. 

Malgré quelques longueurs – le film aurait pu être raboté de quelques minutes – Alpha décrit assez bien la complexité des relations familiales mais aussi la peur, le plus souvent irrationnel, face à quelqu’un qu’on soupçonne d’être atteint du VIH dans la France des années 1980. Un film différent de Titane mais qui a quelques connexions. 

Alpha

Un film de : Julia Ducournau

Avec : Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani, Emma MacKey, Finnegan Oldfield, Ambrine Trigo Ouaked…

Pays : France

Genre : Drame

Durée : 2h08

Sortie : le 20 août

Note : 13/20

Laisser un commentaire