Une projection qui dérange (certains)

Cela faisait un moment que je n’avais plus écrit sur mon blog ciné. Deux mois et demi pour être précis. Non pas que je n’avais plus d’inspiration, mais sans rentrer dans les détails, j’ai récemment connu un moment de mou. Dans ces conditions, il est plus que conseillé de ne pas forcer et de prendre le temps pour soi, histoire de repartir ensuite sur de bons rails. Cependant, lever le pied ne veut pas dire se couper des salles obscures et de l’actualité ciné. D’ailleurs, c’est ce son second point qui m’a poussé à reprendre la plume. 

Il y a quelques jours, Noisy-le-Sec, une commune située en plein cœur de la Seine-Saint-Denis, Barbie de Greta Gerwig, était proposé aux habitants du Londeau, un quartier populaire situé au sud de la ville. Cette projection était organisée dans le cadre du cinéma en plein air, une initiative qui permet de proposer des films à un large public, en particulier à celles et ceux qui ne partent pas en vacances. 

Cette initiative, pourtant louable sur le principe, fut brutalement confrontée à l’opposition farouche de quelques habitants du quartier qui n’ont pas hésité à menacer le personnel communal en charge des installations. Selon eux, Barbie est un film qui est tout sauf un film grand public car inapproprié. En effet, ils reprochent au long-métrage de faire la promotion de l’homosexualité et du genre, ce qui n’est pas concevable et surtout convenable. 

Olivier Sarabeyrousse, maire (PCF) de Noisy-le-Sec, lors de la conférence de presse du 14 août dernier

Ce genre d’accusation sans dessus dessous pourrait à sourire et même à rire, si dans le même temps, la Ville, face aux intimidations n’avait pas été forcée à annuler la projection et donc plier bagages pour assurer la sécurité de ses agents. Depuis, les esprits se déchainent et ce qui devait être un simple fait divers local s’est transformé en affaire nationale, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, pointant du doigt un groupe d’individus voulant « halalliser » l’espace public, là où Olivier Sarrabeyrousse, le maire communiste de Noisy-le-Sec, y voit une tentative de récupération honteuse de l’extrême-droite, tout en s’en prenant aux communautaristes et fondamentalistes de tout poil. 

Cinéma en plein air au Parc de la Villette (Paris)

Le cinéma en plein-air est bien plus qu’une simple projection, c’est aussi un moment privilégié par celles et ceux qui ne peuvent pas partir en vacances et qui, par la force des choses, n’ont pas tellement d’alternatives. Une initiative proposée par la plupart des communes qui permet aux familles, le plus souvent modestes, de profiter d’un moment culturel avec le plus grand nombre. En s’attaquant à ce moment de convivialité, certains fondamentalistes n’ont pas uniquement mis en avant leur débilité et leur absence d’esprit critique, ils ont privé d’un évènement rassembleur pour tout un quartier. Pour se « justifier », certains prétendent que Barbie, version Greta Gerwig, n’est pas convenable – car dégradant pour l’image de la femme (MDR) – et que ce n’est absolument pas une question de religion mais de bon sens ! 

Les attaques contre le long-métrage ne sont pas nouvelles en soi, le film de Greta Gerwig ayant même été censuré dans plusieurs pays du Golfe lors de sa sortie, pour des raisons aussi étonnantes que fallacieuses. Cependant c’est oublier que Barbie fut bien accueilli par la critique, le scénario se voulant à la fois ironique, humoristique mais surtout engagé. Le long-métrage est, dans les faits, un prétexte utilisé par certains pour imposer leurs vues mais aussi régler leurs comptes avec la municipalité. 

En effet, cette polémique intervient à un peu plus de six mois des élections municipales qui auront lieu en mars prochain, ce qui donne lieu à des interprétations multiples et variées de part et d’autre du spectre politique, notamment du côté de l’opposition locale. Toujours est-il que les grands perdants de l’histoire demeurent les habitants du Londeau qui, comble de l’ironie, avaient choisi le film et donc approuvé la projection. En attendant, le maire de Noisy le Sec a promis une nouvelle diffusion de Barbie en septembre avec débat à la clé. Un geste plus que salutaire mais qui est révélateur d’un malaise certain. 

D’ici là, je vous invite à (re)découvrir ma critique du film hilarant de Greta Gerwig, sorti il y a – déjà – eux ans ! 

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