Anora : ils vécurent heureux et eurent…

Il y a près de neuf ans, j’avais découvert Tangerine, le premier film de Sean Baker. Outre le fait qu’il avait eu l’audace de filmer intégralement son long-métrage avec son… iPhone 5s (si, si !), Tangerine se distinguait par son histoire assez déjanté, celle d’une prostituée transsexuelle, Cendrillon des temps modernes, qui apprenant, par sa meilleure amie et de manière maladroite, que son copain la trompe, décide de partir à sa recherche et de parcourir tout Los Angeles pour régler ses comptes. 

Neuf ans donc et quelques films plus tard, revoilà Sean Baker qui nous donne rendez-vous sur la côte Est pour nous parler d’une nouvelle histoire, celle d’Anora. Anora, dite Ani, est danseuse dans un club de strip-tease à New-York, plus précisément en plein cœur de Brooklyn. Un soir, elle rencontre Ivan, surnommé Vanya, fils d’un important oligarque russe. Très vite, l’alchimie s’opère et Anora tombe progressivement sous le charme du jeune homme, au point où elle décide de l’épouser. Direction Las Vegas pour célébrer et conclure l’union comme il se doit. Si Anora et son mari vivent un conte de fées, la réalité va très vite les rattraper. En effet, mis au courant du mariage, les parents de Vanya décident de prendre le premier avion avec pour objectif bien précis d’annuler la noce. En attendant, ils font appel à Toros, leur homme de confiance, pour ramener les deux tourtereaux à raison… par tous les moyens. 

Anora a marqué les esprits lors du dernier Festival de Cannes et pour cause puisqu’il s’est adjugé la Palme d’Or, une consécration pour un réalisateur assez atypique et pour le cinéma US indépendant qui a le mérite de présenter des histoires plus ou moins déjantées et des personnages qui le sont tout autant, à quelques nuances près, le réalisme en prime. Lorsque notre strip-teaseuse rencontre notre fils d’oligarque, tout semble sonner comme une évidence. Ils étaient faits pour se rencontrer. Bien qu’issus de milieux sociaux diamétralement opposés, Anora et Vanya décident d’entamer une relation et la rendre progressivement officielle. 

Tout va très vite entre eux deux. Trop vite même. Un détail qui pourrait amener Anora à réfléchir car après tout, que connaît-elle vraiment de Vanya, ce garçon de 21 ans assez voire très immature qui aime faire l’amour, faire la fête et jouer à la console ? Un détail qu’Anora ne prend pas soin de prendre en compte, sans doute ravi de son changement soudain de situation, elle qui vit avec sa sœur et son mari dans un quartier sans âme, là où Vanya vit dans une luxueuse maison, non loin du bord de mer. 

C’est sans doute par naïveté mais aussi par amour qu’Anora se prend progressivement au jeu et qu’elle s’imagine intégrer pour de bon, la famille de son nouvel époux. C’est sans compter sur un retour sur Terre tout aussi rapide que douloureux mais d’une certaine manière salutaire. Anora l’apprendra à ses dépens. 

Critique assez subtile de l’oligarchie russe et plus largement du capitalisme ainsi que de notre rapport à l’argent, Anora se distingue par son réalisme incarné par une jeune femme de 23 ans qui, au fond, avait encore dans un coin de sa tête, une vision du rêve américain, celui qui promet gloire et ascension sociale. 

Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? 

Anora

Un film de : Sean Baker

Avec : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov, Karren Karagulian, Vache Tovmasyan, Ivy Wolk… 

Pays : États-Unis

Genre : Comédie Dramatique

Durée : 2h19

Sortie : le 30 octobre

Note : 14/20

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