Les grandes affaires judiciaires ont fait émerger des avocats connus pour leur droiture, leur sens de l’engagement et leurs convictions, voire leur militantisme. Ce fut notamment le cas chez nos voisins belges, lors de l’affaire Dutroux et ce que la presse avait qualifié de « procès du siècle », il y a vingt ans et qui s’est tenu à Arlon, dans le sud du pays. Parmi ces avocats, Victor Hissel, celui qui conseilla les parents de Julie Lejeune et Mélissa Russo, deux des victimes du pédophile et criminel le plus connu outre-Ardennes et au-delà. Le nouveau film de Joachim Lafosse s’inspire en grande partie de cette histoire qui a marqué et marque encore la Belgique.
Nous sommes à Metz. François Schaar défend les parents Guérin dont la fille est morte, victime d’un pédophile. C’est un avocat médiatique, constamment sur le front. De son coté, Astrid, sa femme, est un solide et discret soutien. Les choses changent lorsque Pierre, le fils aîné du couple, menace de saisir la justice et révéler un secret de famille. Un secret vieux de trente ans qui pourrait tout emporter sur son passage mais aussi bouleverser les équilibres de chacun notamment de Raphaël, le benjamin de la famille. C’est dans ce contexte qu’Astrid, la femme de François, va devoir face à sa conscience.
Comme je l’indiquais précédemment, Un silence s’inspire de la vie de Victor Hissel, avocat de la partie civile lors du procès Dutroux, très médiatique, et dont la réputation fut fortement ternie par de multiples révélations le concernant. D’ailleurs, le film reprend plusieurs évènements de l’affaire notamment l’épisode celui où le juge en charge de l’instruction fut dessaisi du dossier pour avoir participé à une diner de soutien aux familles des victimes, ce qui à l’époque avait provoqué la vive colère d’une large partie de l’opinion en Belgique.
François Schaar, incarné par Daniel Auteuil, est un avocat aux allures de notable de province. Un homme respecté, admiré qui passe bien à la télé et qui, au fil de l’affaire, est devenu le porte-parole des victimes de pédophilie. C’est un peu un chevalier blanc, celui qui se bat contre les institutions et contre son institution pour réclamer et obtenir justice.
Sur ce point, il peut s’appuyer sur l’attitude neutre et bienveillante d’Astrid, sa femme qui dans le même moment s’inquiète pour Raphaël, le petit dernier de la famille, en pleine dérive. Elle essaie de comprendre ce qui ne va pas chez son garçon malgré le côté distant de ce dernier. Elle se veut la gardienne du temple, celle qui, au nom d’un déni certain, veut conserver l’intégrité et l’unité familiales.
Une intégrité et une unité brutalement mises à mal par cette histoire de famille qui, à l’occasion du procès, refait surface. Là où François tente de noyer le poisson au nom du passé, les enfants du couple eux veulent réparation, peu importe les conséquences. Naviguant entre les deux eaux, Astrid sait que l’équilibre de ses enfants et plus largement de sa famille qui est en jeu. Encore faut-il qu’elle sorte du silence. Toutefois, briser ce silence n’est-il pas tout aussi dangereux que d’y rester quitte à sombrer dans le déni ?
Film efficace, Un silence nous rappelle que les décisions qu’on prend ne sont pas sans conséquence et qu’elles finissent par avoir un prix. Un prix plus ou moins élevé mais, un prix à payer pour retrouver une certaine sérénité.
Un silence
Un film de : Joachim Lafosse
Avec : Daniel Auteuil, Emmanuelle Devos, Jeanne Cherhal, Louise Chevillotte, Nicolas Buysse, Karim Barras, Damien Bonnard…
Pays : Belgique
Genre : Drame
Durée : 1h40
Sortie : le 10 janvier
Note : 16/20
Au ciné ce soir 