Bâtiment 5 : table rase ?

Ladj Ly est un cinéaste qui ne laisse personne indifférent, qu’il soit adulé comme critiqué, voire plus. Un homme qui propose un regard intéressant, sans complaisance, sans concession mais aussi sans condescendance sur ce qu’il connaît de mieux, à savoir la banlieue, ses codes et (surtout) les gens qui y vivent. 

C’est dans cette logique qu’il nous présente le second volet de sa trilogie. Après Les Misérables, sorti il y a tout juste quatre ans, voici Bâtiment 5. Nous partons à la rencontre d’Haby Keita. Haby habite Montvilliers, une ville populaire fictive de Seine-Saint-Denis. C’est une jeune femme très active dans son quartier et sa commune notamment à travers la vie associative. Un jour, elle apprend que le projet de rénovation urbaine, piloté par la municipalité a été largement remanié. Il comprend notamment la suppression du « Bâtiment 5 », une copropriété dégradée dans laquelle elle a grandi et vit encore toute sa famille. Ce nouveau plan a été revu et validé par Pierre Forges, le tout nouveau maire de Montvilliers qui a une idée bien en tête : transformer radicalement le quartier des Bosquets en y faisant venir une nouvelle population. Craignant que les habitants actuels finissent tout simplement à partir contre leur gré, Haby fait de tout son possible pour s’opposer au projet et y mettre un terme, quitte à affronter le nouvel édile. 

Les projets de rénovation urbaine sont d’immenses opérations qui suscitent aussi bien une forte attente comme des craintes légitimes. Une forte attente dans la mesure où cela peut changer radicalement et en positif le quotidien des habitants concernés mais aussi l’image (voire la réputation d’une ville), des craintes légitimes dans la mesure où certains maires en profitent pour modifier la sociologie de leur population et éloigner des catégories sociales qui ne peuvent se loger dans de nouveaux logements, faute de place adéquate ou tout simplement de moyens. 

C’est un peu cette arrière-pensée qui traverse l’esprit de Pierre Forges, un jeune pédiatre qui, seulement trois ans après avoir intégré le conseil municipal, est propulsé maire de Montvilliers, à la suite du décès prématuré de son prédécesseur et au grand dam de son premier adjoint, Roger Roche, un enfant des Bosquets. D’apparence plutôt neutre voire terne, Forges ne fait en réalité pas tellement dans les sentiments d’autant qu’il doit dès sa prise de fonction, marquer son marque, pour ne pas dire son autorité. Ce projet est l’occasion de s’affirmer, quitte à ne pas connaître sa ville, certains de ses quartiers et ses habitants. 

C’est précisément ce que lui reproche Haby, cette jeune femme investie dans sa commune et surtout aux Bosquets, là où elle a grandi et où demeure un esprit de famille, de communauté et d’entraide. Des gens qui sont propriétaires d’un bâtiment littéralement en ruines mais pour lequel ils restent attachés malgré tout. Aussi, lorsqu’elle apprend que le nouveau projet de rénovation urbaine consiste ni plus ni moins à éloigner ce que le maire considère comme des indésirables, elle décide de rentrer en résistance. Une manière aussi pour la jeune femme d’exprimer sa défiance envers un monde politique plus ou moins cynique et qui ne lui inspire vraiment plus confiance. 

Tourné à Clichy-sous-Bois, Montfermeil mais aussi au Raincy, Bâtiment 5 est sans doute moins mordant que les Misérables mais conserve toujours une bonne dose d’indignation et de colère qui progressivement ne demande qu’à exploser. Une forme de résistance pour finir qui, elle, ne demande qu’à émerger et surtout s’affirmer ! 

Bâtiment 5

Un film de : Ladj Ly

Avec :  Anta Diaw, Alexis Manenti, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu, Aurélia Petit, Jeanne Balibar… 

Pays : France

Genre : Drame

Durée : 1h45

Sortie : 6 décembre

Note : 14/20

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