Ce que j’aime lorsque je vais au cinéma, c’est de découvrir des longs-métrages indépendants, discrets (dans le sens où ils n’ont pas bénéficié d’une promotion particulière voire aucune) et qui porte un sujet qui me parle et/ou susceptible que je m’y penche davantage. Le film de Carlos Chahine coche toutes ces cases !
Nous sommes en 1958 au Liban. Layla, Nada et Eva sont trois sœurs d’issue d’une famille bourgeoise chrétienne. C’est l’été et elles profitent de leur lieu de villégiature en plein milieu des montagnes. Un jour, Layla et ses sœurs font la rencontre d’Hélène et de René. Ils sont français, mère et fils, de passage dans la région, René travaillant comme médecin à Beyrouth. Très vite, ils sympathisent notamment Layla, présentée comme une épouse et une mère modèle. C’est dans ce contexte que le Liban est traversé, quinze ans seulement après la fin de la tutelle française, par une crise politique majeure opposant chrétiens, musulmans et druzes pour le contrôle du pays. Dans le même temps, Layla découvre les codes et les réalité de la société libanaise, une société dominée par les hommes et faite pour les hommes. A l’instar de son pays, elle s’interroge : un autre destin est-il possible que celui qui semble déjà tracé pour elle ?
Layla est une femme qu’on pourrait qualifier de modèle. Mariée à 17 ans, mère d’un garçon de 7 ans, c’est la parfaite épouse, la maitresse de maison. Elle est en soutien à son mari et doit rester en retrait. Aussi, lorsqu’arrivent Hélène et René en plein milieu de l’été, c’est un véritable tournant. Hélène est une femme qui a divorcé trois fois, ce qui est exceptionnel pour l’époque, non pas en raison du nombre mais tout simplement parce que le divorce était mal vu à la fin des années 1950 et qu’il était très compliqué à obtenir. On la sent libre, du moins il y a une certaine émancipation que l’on ressent quand on la voit. Cette situation contraste avec celle que connaît Layla mais aussi ses deux sœurs. On l’a dit, elle s’est mariée très jeune et son union ressemble fortement à un mariage de convenances, pour ne pas dire arrangé. Un mariage endogamique, entre gens de la bonne société libanaise, un destin qui semble être promis à Nada et Eva.
C’est dans ce contexte que le Liban connaît ses premiers soubresauts politiques, la première d’une longue (et triste) série. Dans un pays où les communautés commencent à s’affronter et où le nationalisme du terrain avec la création de la République Arabe Unie (fusion de l’Égypte et de la Syrie), les chrétiens émettent des inquiétudes quant à leur sort, inquiétudes qui se traduisent par des tensions mais aussi des débats au sein des familles, notamment dans celle de Layla.
Dans ce Liban qui s’affirme, Layla comme ses sœurs cherchent leur place entre respect des traditions, des convenances mais aussi une volonté progressive d’émancipation. Celle est d’autant plus vrai que Layla a une éducation, et qu’elle est la seule femme au sein de sa famille à savoir conduire. Un détail me direz-vous mais qui a de son importance. Toujours est-il qu’elle a besoin de prendre le large et de s’affirmer, et d’exprimer ce qu’elle ressent à l’instar de son pays.
Porté par Marilyne Naaman (qui a notamment participé à la dernière saison de The Voice chez nous) mais également Nathalie Baye et Pierre Rochefort, La nuit du verre d’eau se veut intimiste mais aussi actuel. C’est également un bel hommage au Liban, un pays qui était encore plein d’espoir à la fin des années 1950, avant que le destin n’en décide autrement.
La nuit du verre d’eau
Un film de : Carlos Chahine
Avec : Marilyne Naaman, Antoine Merheb Harb, Nathalie Baye, Pierre Rochefort, Talal Jurdi, Ahmad Kaabour, Christine Choueiri…
Pays : Liban
Genre : Romance, Drame
Durée : 1h26
Sortie : 14 juin
Note : 15/20




