Robin Campillo est un cinéaste dont j’avais eu l’occasion de découvrir il y a quelques années, en 2016 précisément, lors de la sortie de 120 battements par minute. Son film coup de poing et sans concession, revenait sur les combats d’Act Up et sa campagne de sensibilisation relative au SIDA, à travers le personnage de Sean, un militant séropositif. Un long-métrage qui s’était distingué lors du Festival de Cannes, où il s’était même adjugé le Prix du jury, distinction la plus prestigieuse après La Palme d’Or.
Sept années après, changement de cadre et d’époque. Direction Madagascar. Nous sommes en 1971. Thomas est un expatrié qui vit avec ses deux frères et ses parents sur la base militaire aérienne d’Ivato, tout près de Tananarive. Son père officie pour l’armée française en qualité de militaire tandis que sa mère s’occupe du foyer. Avec d’autres familles françaises, ils mènent une vie plutôt paisible et insouciante sur la grande île, en dépit de la décolonisation et de l’indépendance intervenue une dizaine d’années plus tôt. Cet équilibre et cet havre de paix sont toutefois remis en question, lorsque la population malgache, tout particulièrement sa jeunesse, milite contre la présence française sur place, laissant place aux dernières illusions.
Le film commence par ce qu’il semble être un conte de fées. Des familles françaises vivent dans une base aérienne où elles ne manquent de rien (ou presque) et dans laquelle les tâches sont clairement réparties. En effet, lorsque le père de famille part en opération extérieure, la mère reste dans la maison s’occuper des murs et des enfants. Une vision un peu caricaturale mais qui illustre bien le contexte du film. Nous sommes au début des années 1970, loin de l’Hexagone, à une époque où la France cherche à rebondir dix ans après la processus de décolonisation qui a vu, entre autres, la reconnaissance de la souveraineté de Madagascar.
Une souveraineté théorique toutefois, dans la mesure où les militaires français continuent à jouer un rôle majeur. Une situation et une présence qui irritent de plus en plus la population malgache qui reprochent aux expatriés français de vivre en vase clos. Cette situation, on la comprend aisément lorsque nos chères familles se retrouvent sur la plage mais à l’écart des Malgaches. Cela n’est pas délibéré mais c’est une sorte d’habitude. Madagascar, c’est le paradis pour eux, ils s’y sentent bien, tout simplement.
Aussi, lorsque la jeunesse malgache remet en cause ce qu’ils considèrent à leurs yeux comme un résidu de l’époque coloniale, les expatriés comprennent assez rapidement que c’est la fin d’une époque et qu’il y aura un avant/après, avec son lot d’incertitudes. On le voit notamment avec Thomas mais également ses parents et tout particulièrement Colette. Plus qu’une simple présence, Madagascar c’était que permettait à la famille et à son couple de mener sa barque. Madagascar, c’est une routine. Une routine qui risque bien d’être profondément bouleversée et avec à la clé, l’envie sans doute de tout remettre en question.
Film bien différent de 120 battements par minute, L’île rouge n’est pas tellement un film sur la décolonisation mais plutôt la fin d’une époque et son lot de scenarii et de conséquences pour des Français qui avaient trouvé leur havre de paix. Malgré un rythme assez lent, le nouveau long-métrage de Robin Campillo se veut davantage mélancolique.
L’Ile rouge
Un film de : Robin Campillo
Avec : Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotorimalala, Hugo Delamarlière, Mitia Ralaivita, Sophie Guillemin, David Serero, Luna Carpiaux…
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 1h57
Sortie : 31 mai
Note : 13/20




